Le logement abordable vu par le conseil de l’Europe

Depuis la crise de 2008, en Europe et en France en particulier, les politiques sociales n'ont fait que régresser. Deux écrits récents du parlement européen précisent les choses :

Conseil de l’Europe. Commissaire aux droits de l’homme 23/01/2020

« Le Droit au Logement abordable : un devoir négligé en Europe

Le manque de logements abordables en Europe, qui est de plus en plus souvent à la une de l’actualité, se fait aussi de plus en plus cruellement sentir et prive un nombre croissant de personnes d’un logement stable, voire de tout logement. À moins que les gouvernements européens ne prennent des mesures radicales pour inverser la tendance, cette crise continuera à s’intensifier et aggravera encore les inégalités, l’exclusion et la ségrégation. Aujourd’hui en Europe, l’offre de logements est très inférieure à la demande, qui ne cesse d’augmenter. Dans nombre de pays, le niveau global de construction de logements est en baisse par rapport aux décennies passées, ce qui contribue à des pénuries structurelles, notamment dans les grandes villes. Les logements étant rares, les loyers et les prix augmentent, et ce, plus rapidement que les salaires dans la plupart des pays européens. Par conséquent, beaucoup de personnes doivent renoncer à habiter certains quartiers et doivent accepter des logements de médiocre qualité ou situés dans des zones où elles auront moins de chances de trouver un travail à une distance raisonnable et de pouvoir scolariser leurs enfants dans de bonnes conditions, se faire soigner correctement et satisfaire d’autres besoins sociaux fondamentaux. Manque de logements abordables : qui est touché ? Selon le Comité européen des Droits sociaux, un logement est d’un coût abordable lorsque le ménage qui l’occupe peut supporter les coûts initiaux, le loyer et les autres frais (factures d’énergie et charges, par exemple) sur le long terme, tout en conservant un niveau de vie minimum. Or, cela est aujourd’hui difficile pour de nombreux Européens car le coût du logement grève véritablement leur budget. Souvent, ils se retrouvent dans une situation de « surcharge des coûts du logement », qui se caractérise par le fait que le coût du logement représente plus de 40 % du revenu disponible du ménage. Par exemple, cette situation concerne environ deux

personnes sur cinq en Grèce, une sur cinq en Bulgarie et une sur six au Danemark et en Allemagne. Bien que le problème soit très répandu dans la population européenne, les coûts élevés du logement ont des effets disproportionnés sur les personnes qui sont en situation de pauvreté ou menacées par la pauvreté, y compris les « travailleurs pauvres ». Les chiffres sont éloquents. Un rapport sur les inégalités en matière de logement, publié par la Banque de développement du Conseil de l'Europe en 2017, a montré que le coût du logement représentait une charge excessive pour près d’un tiers des personnes aux revenus les plus modestes dans la zone de l’UE/EEE. Entre 2007 et 2017, le taux moyen de surcharge des coûts du logement parmi les ménages pauvres a augmenté dans la majorité des pays de l’Union européenne. En 2017, les taux les plus élevés s’observaient en Grèce (90 %), au Danemark (75 %) et en Bulgarie (50 %). Parmi les jeunes citoyens de l’UE qui vivaient sous le seuil de pauvreté en 2017, 42 % en moyenne étaient confrontés à une surcharge des coûts du logement ; cette proportion atteignait 63 % aux Pays-Bas, 84 % au Danemark et 91 % en Grèce. La situation n’est pas plus encourageante hors de l’UE : selon une étude de l’ONU de 2017, le coût du logement en Arménie était inabordable pour la plupart des citoyens. La même année, la capitale de l’Ukraine, Kiev, occupait le deuxième rang dans le classement des villes les moins abordables établi par Bloomberg. La disponibilité de logements et la qualité des logements sont deux questions étroitement liées. En Arménie, selon la CEE-ONU, le recensement de 2011 a montré que 16 000 personnes (soit 2 % des ménages) vivaient dans des structures impropres au logement, comme des conteneurs métalliques. Toujours selon la CEE-ONU, en Ukraine, en 2011, plus d’un million de ménages avaient besoin d’un logement, alors que la durée d’attente moyenne pour obtenir un logement social était estimée à plus de 100 ans ; l’attente serait de 20 ans en Russie. En Macédoine du Nord, 80 000 ménages auraient un logement précaire. Logement social : désengagement de l’État et sous-financement La pénurie de logements abordables soumet le secteur du logement social à de fortes pressions en Europe. Il est certes difficile de trouver la bonne politique à mener en matière de logement social, mais, face à l’augmentation de la demande, les États se sont contentés jusqu’ici de se défausser du problème sur les collectivités locales, sur le secteur privé, sur les sociétés de logement et sur les organisations à but non lucratif. En 2017, le montant total des dépenses consacrées par les gouvernements au logement social ne représentait que 0,66 % du PIB européen et continuait à baisser. Dans nombre de pays, l’accent a été mis sur l’augmentation des allocations de logement. Nous avons besoin d’idées neuves dans ce domaine. Une nouvelle boîte à outils mise à disposition par la « Housing Solutions Platform » présente 50 solutions innovantes qui s’appuient sur le logement social, le secteur locatif privé et des approches intégrées pour lever les obstacles financiers et politiques qui entravent l’accès au logement en Europe.

Augmentation du nombre de sans-abris et du nombre d’expulsions forcées Ainsi que mon prédécesseur l’observait dans un document thématique de 2013 intitulé « Protéger les droits de l'homme en temps de crise économique », la crise de 2008 et la montée du chômage ont fait augmenter fortement le nombre de personnes expulsées et de sans-abris dans beaucoup de pays européens. Si les lois de protection des locataires font souvent office de filet de protection, elles semblent toutefois généralement insuffisantes pour lutter contre le problème. Les éditions 2017 et 2018 du rapport sur le mal-logement en Europe, publiées par la Fédération européenne des organisations nationales travaillant avec les sans-abris (FEANTSA) et par la Fondation Abbé Pierre, font état d’une augmentation du nombre de sans-abris dans tous les pays de l’UE/EEE étudiés, à l’exception de la Finlande et de la Norvège. La baisse du nombre de sans-abris observée dans ces deux pays a été attribuée à la mise en oeuvre de stratégies à long terme qui favorisent une coopération fructueuse entre l’État, les autorités locales et les acteurs locaux, et qui considèrent la privation de logement comme une violation des droits de l'homme. Il a été observé que l’augmentation du nombre de personne sans domicile touchait particulièrement les migrants, les jeunes, les femmes, les familles et les enfants. Dans son rapport de 2018, la FEANTSA note que les enfants deviennent le groupe le plus représenté parmi les personnes accueillies dans les hébergements d’urgence. En 2015, les enfants constituaient un tiers des personnes sans domicile que comptait l’Irlande ; entre 2014 et 2017, le nombre d’enfants sans domicile y a augmenté de 276 %. Au Royaume-Uni, le nombre d’enfants sans domicile hébergés de manière temporaire a augmenté de 40 % au cours de la même période. S’agissant de la Russie, les chiffres disponibles semblent varier considérablement ; selon certaines estimations, les enfants sans abri se comptaient par centaines de milliers en 2010, tandis que d’autres sources laissent penser que leur nombre pourrait être encore plus élevé. Lors de sa mission en Serbie de 2015, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable a souligné que, faute d’une protection suffisante des locataires et faute d’accès au logement social, certains groupes vulnérables, dont les jeunes, étaient exposés au risque de mal-logement et d’exclusion. Face à l’augmentation du nombre de sans-abris, les États adoptent souvent une approche punitive et à courte vue, par laquelle ils tentent – bien à tort – de dissimuler le problème. Lors de sa visite en Hongrie de 2014, mon prédécesseur a soulevé le problème des décisions, prises par l’État et des autorités locales, d’interdire de dormir dans les lieux publics sous peine d’amende ; des amendes avaient effectivement été imposées à plus d’un millier de personnes, dont certaines avaient même été emprisonnées, faute d’avoir pu payer leur amende. Il a observé des interdictions similaires lors de sa visite en Norvège de 2015. Plus récemment, au Royaume-Uni, des médias ont indiqué que le nombre global de personnes dormant dans la rue continuait à augmenter ; certaines villes interdisaient leur centre aux sans-abris et leur imposaient des amendes.

Les institutions européennes sont intervenues dans certains cas liés à des expulsions forcées. La Cour européenne des droits de l'homme a notamment souligné la nécessité de ménager un juste équilibre entre l’intérêt des propriétaires et l’intérêt général de la collectivité consistant à fournir suffisamment de logements aux plus démunis. À certaines occasions, la Cour est même intervenue en dernier recours pour des familles menacées d’une expulsion imminente. Dans plusieurs décisions, le Comité européen des Droits sociaux a énoncé les garanties qui doivent s’appliquer en cas d’expulsion : respecter la dignité des personnes ; ne pas procéder à des expulsions la nuit ni en hiver ; prendre des mesures pour reloger ou aider financièrement les personnes concernées. Dans sa jurisprudence, la Cour de justice de l’Union européenne, pour sa part, a souligné que le juge national doit pouvoir suspendre ou annuler une procédure d’expulsion si les droits des occupants n’ont pas été respectés (par exemple, si les conditions d’un prêt hypothécaire sont abusives). Ces interventions apportent certes une protection utile, mais les États devraient commencer par éviter que se produisent de telles situations d’urgence, concernant notamment des familles et des enfants. La voie à suivre Dans une émouvante introduction à son rapport de janvier 2018, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable, Leilani Farha, s’exprimait ainsi : « Nous vivons une période particulièrement difficile. Globalement, les conditions de logement sont très mauvaises. Le nombre de personnes sans-abri augmente, y compris dans les pays riches ; les expulsions restent toujours aussi fréquentes ; (…) et dans de nombreuses villes, les logements ne sont tout simplement pas abordables, même pour la classe moyenne. » Son appel mérite toute notre attention. Nous devons prendre pleinement conscience de l’ampleur et de l’urgence du problème que connaît l’Europe dans le domaine du logement, qui figure parmi les besoins humains les plus fondamentaux. Ainsi que cela a été démontré plus haut, cette crise touche la population dans son ensemble et alimente un sentiment d’incertitude et de précarité. En négligeant de traiter le problème, on risque d’attiser encore les tensions sociales. Les obligations des États de réaliser pleinement le droit au logement ne se limitent pas à apporter des solutions en cas d’urgence ou dans des situations individuelles. Il est indispensable que les gouvernements manifestent une réelle volonté politique d’adopter des solutions durables, à long terme et inclusives, conformément à l’objectif de développement durable inscrit dans le Programme 2030 de l'ONU et consistant à assurer l’accès de tous à un logement adéquat et sûr, à un coût abordable, d’ici à 2030. Loin d’être un simple bien marchand, le logement est un droit de l'homme. Il devrait figurer en tête des priorités politiques en Europe. • Premièrement, les États membres qui ne l’ont pas encore fait devraient rapidement accepter d’être liés par l’article 31 de la Charte sociale européenne (révisée), qui traite du droit au logement. Sur les 34 États

membres ayant ratifié la Charte, seuls 10 ont accepté son article 31, tandis que quatre autres ont accepté d’être liés par certaines dispositions seulement de cet article. • Deuxièmement, les États devraient adopter et mettre en œuvre des stratégies nationales durables en matière de logement, assorties d’objectifs clairs visant à éliminer l’état de sans-abri ; ce faisant, les États devraient tirer le meilleur parti des ressources disponibles, établir des mécanismes fiables et indépendants pour suivre les progrès, et examiner de près l’impact de ces stratégies. • Troisièmement, les États devraient augmenter les investissements dans des logements sociaux et abordables, en vue d’éradiquer la surcharge des coûts du logement, notamment parmi les groupes défavorisés et vulnérables. • Quatrièmement, les États devraient adopter d’urgence des mesures à long terme pour prévenir et éradiquer l’état de sans-abri, notamment parmi les enfants et les autres groupes défavorisés et vulnérables. Lors de l’adoption et de la mise en œuvre

de ces mesures, les États devraient solliciter la participation de tous les acteurs concernés, s’attacher à respecter la dignité humaine des personnes sans abri et garder à l’esprit que la privation de logement est une violation des droits de l'homme. Dunja Mijatović » Le Parlement européen demande des mesures pour protéger le droit au logement 21-01-2021 - Le Parlement européen demande aux pays de l'UE d’agir afin de garantir des logements abordables pour tous et d’investir davantage dans des logements décents. Le manque de logements abordables devient un problème croissant dans l'UE. En effet, les prix des logements et les loyers augmentent régulièrement par rapport aux revenus.

Le 21 janvier, le Parlement a adopté une résolution appelant les États membres à reconnaître le droit à un logement adéquat en tant que droit fondamental. Tout le monde devrait avoir accès à un logement décent et « sain », à une eau potable propre et de qualité, à un assainissement et à une hygiène adéquats et équitables, à la connexion aux réseaux d’assainissement et d’eau, à un environnement intérieur de qualité et à une énergie abordable, fiable et durable pour tous, ont déclaré les députés. La crise du logement : un problème qui concerne tout le monde La crise du logement concerne de plus en plus de personnes. La situation s'est aggravée pour les propriétaires à faibles revenus et les locataires, mais les personnes à revenus moyens sont également noyées par les coûts de logement et d’entretien. Particulièrement touchés, les parents isolés, les familles nombreuses et les jeunes qui occupent leur premier emploi disposent de revenus trop faibles pour payer leur loyer mais trop élevés pour bénéficier de logements sociaux. La pandémie de coronavirus a exacerbé et mis en lumière un problème déjà existant. En effet, trop de personnes doivent rester confinées dans des logements de mauvaise qualité. À moyen terme, la crise que nous traversons devrait encore accroître les taux de sans-abrisme. Qu’entend-t-on par « logement abordable » ? • Le rapport prix-revenus du logement est le critère le plus couramment utilisé pour mesurer l'abordabilité. • Entre 2010 et 2018, la proportion de la population de l’Union dépensant plus de 40 % de son revenu disponible pour se loger s’élevait à 10,2 %. Cela dit, des différences substantielles aient été observées entre les États membres de l’Union • On considère qu'un logement est abordable si le budget qui reste à la disposition de l’occupant est au moins suffisant pour couvrir les autres dépenses essentielles à une vie digne. Quelles sont les causes du problème du logement ? La transformation du logement en actif financier ou en « produit » est un des principaux moteurs de la hausse des prix. Les propriétaires achètent des résidences secondaires afin de générer davantage de revenus et compléter leur pension. Les investissements étrangers font aussi grimper les prix des logements et les plateformes comme Airbnb réduisent l'offre de logements disponibles pour les habitants, en particulier dans les centres-villes. En plus de cela, il existe des différences significatives entre les États membres sur les politiques en matière de logement social. Le logement dans l'UE : faits et chiffres

• Au cours des trois dernières années, les prix des logements dans l'UE ont augmenté en moyenne de 5%. • Les dépenses de logement social des gouvernements ne représentent que 0,66% du PIB européen. • Le logement inadéquat coûte chaque année 195 milliards d’euros aux économies de l’Union. Le Parlement européen propose des solutions L'Union européenne a la capacité d’influencer indirectement le marché du logement grâce à des règles sur les aides d'État, grâce au droit fiscal, au droit de la concurrence et en adoptant des lignes directrices et des recommandations. Par exemple, des modifications des règles relatives aux aides d'État pourraient permettre aux autorités publiques de soutenir plus facilement les groupes dont les besoins en matière de logement ne peuvent pas être satisfaits dans les conditions du marché. Dans leur résolution, les députés : • demandent à nouveau de fixer un objectif à l'échelle de l'UE pour mettre un terme au sans-abrisme d’ici à 2030 ; • invitent la Commission et les pays de l'UE à prioriser la réduction des émissions et l'efficacité énergétique grâce à la rénovation des logements, conformément au Pacte vert européen ; • encouragent les États membres à collaborer au financement des investissements sociaux avec les partenaires sociaux, la société civile et le secteur privé ; • invitent les États membres à lutter contre la discrimination des groupes vulnérables sur le marché du logement ; • invitent la Commission à présenter des propositions législatives d'ici mi-2021 pour contrer le traitement du logement comme un bien négociable plutôt que comme un droit de l’homme ; • exhortent la Commission et les États membres à investir davantage dans le logement social, public, abordable et économe en énergie. Pour en apprendre plus : • Le Parlement soutient une Europe plus sociale

Articles du journal « Le Monde » sur le logement

Les maires s’inquiètent de la baisse du logement social (15/20 juin2021 :

87500 logements sociaux en 2020 au lieu des 220 000 sur 2 ans promis par l’État.

Thierry Repentin coprésident du groupe de travail « logement habitat hébergement » de l’association des Maires de France.

Baisse du financement des collectivités locales : (suppression de la TH sur les résidences principales et suppression de la TF pour les ménages modestes ; en 2019, 715 millions d’euros d’abattements et d’exonérations non perçues pour 86 me de compensation).

L’ambition annoncées de construire plus pour accélérer la relance n’est pas assortie de moyens.

Construire plus en s’étalant moins coute plus cher alors que le soutien financier au logement s’amoindrit.

Fonds friche : 300 millions d’euros mais 1 100 dossiers ; il faudrait 1.6 milliards d’euros.

Les collectivités locales demandes que leur soient délégués l’ensemble des dispositifs d’aide au logement.

Lutte contre le sans abrisme : l’Europe met des moyens en commun (15/20 juin 2021) :

Chaque nuit, dans toute l’Europe, +- 700 000 personnes dorment dans la rue ; 70 % de plus qu’il y a 10 ans. Indiqué par Nicolas Schmit, commissaire européen aux droits sociaux lors de la réunion des chefs d’État européens du 21 juin à Lisbonne.

Déjà mis en évidence par l’étude du parlement européen de Strasbourg (2019) : effet des politiques libérales de l’Europe.

Lancement d’une plate forme inter Etat du sans-abrisme. Souhait d’éradiquer d’ici a 2030. « Les partenaires s’engagent sur l’objectif de proposer un logement d’urgence et d’éviter les expulsions. ».

Le gouvernement dit qu’il soutient (E. Wargon) mais les financements n’y sont pas. Engagements de Macron en 2017 « je ne veux plus d’ici a la fin de l’année (2017 ?) avoir des femmes et des hommes dans les rues … ».

Laurent Ghekiere, président de l’Observatoire européen du logement social » : C’est un pas concret dans la mise en oeuvre du principe 19 du socle européen des droits sociaux : l’accès à un logement abordable.

L’Europe modifie son regard sur le logement parce que 10% des ménages européens consacrent plus de 40% de leurs revenus en dépenses logement ; d’où une récente tendance de l’Europe libérale a considérer le logement comme un bien essentiel et non plus comme un bien de consommation.

L’OCDE s’alarme dans son rapport du 14 juin « bâtir de meilleures politiques du logement « sur son cout insupportable pour les classes moyennes. Elle invite les États a réinvestir dans le logement abordable ; le taux d’effort étant passé, entre 2005 et 2015 de 26 % a 31 % pour les revenus intermédiaires, ceux qui gagnent entre 75% et 200% du revenu médian. La part du logement abordable a diminué dans les pays de l’OCDE sur la période 2005/2015. Les Pays Bas ont 38% de logements abordables, la France 14%.

En France, ou en est la production ? Un stock manquant de logements locatifs à prix abordable régulièrement évoqué, jamais résorbé.

Extraits de l’étude « Faut il construire plus de logements. 2019 » , Jean Bosvieux, ancien directeur de l’ANIL

« Depuis de nombreuses années, le marché immobilier est en crise et les mises en chantier sont

insuffisantes. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé sur la construction

de 500 000 logements par an. ». Par ailleurs, une évaluation de la demande potentielle en logements à l’horizon 2030, publiée en 2012 par le commissariat général au développement durable (CGDD), chiffre à 300 000 à 350 000 le nombre de logements à construire par an.

Cette évaluation « technique » a été jugée insuffisante par les politiques, puisque l’objectif de

construction était fixé bien au-delà. Avant François Hollande, Nicolas Sarkozy avait souhaité en 2007 que l’on parvienne en France « à un rythme de construction d’environ 500 000 logements neufs par an »

En 2007, dans un article de la revue Constructif , Michel Mouillart, professeur d’économie estimait qu’ « En franchissant le seuil des 400 000 mises en chantier, le niveau de la construction est redevenu suffisant dès 2005 », mais que compte tenu du retard à rattraper, qu’il évalue à 850 000 unités, « Il va donc falloir construire beaucoup pendant de nombreuses années, compte tenu des besoins attendus : il faudra mettre en chantier de l'ordre de 425 000 à 450 000 logements par an si on ambitionne de réduire le déficit, donc de résorber les situations de non-logement ou d'hébergement et de mettre en œuvre le Dalo en quinze ans ; et de l'ordre de 500 000 logements par an si on ramène le délai à sept ans, retrouvant ici l'objectif affiché récemment par le gouvernement ».

Marie-Noëlle Lienemann, ex-ministre déléguée au logement, précisait : »Construire là où les besoins sont patents,construire prioritairement du logement social, tant en locatif qu'en accession à la propriété. Nous devons construire près de 500 000 logements par an, dont près de la moitié en logements sociaux au sens large. ».

L’actuel président de la République a, dans son programme électoral, affirmé la nécessité de créer « un choc d’offre », tout en prenant certaines distances avec l’objectif de 500 000 logements : « Notre objectif est de créer une offre de logements abordables, là où se situent les besoins, notamment en matière d'emploi, répondant à la diversité de la demande (sociale, intermédiaire ou privée) et offrant aux Français des logements compatibles avec leur pouvoir d'achat. Le principal moteur permettant de faire baisser les prix est la construction massive de nouveaux logements. Nous nous fixons depuis trop longtemps de grands objectifs (« 500 000 constructions par an ») sans nous donner les moyens de les atteindre. «

Extraits d’une étude produite en janvier 2019 au Parlement Européen à Strasbourg dans le cadre d’un colloque traitant du « logement abordable ».

« La période 2008/2018 a été marquée par un déclin massif des investissements dans le domaine du logement abordable, amenant l’Europe a une situation de précrise ; ceci à partir de la crise financière de 2008 et tout au long des années qui ont suivi. Il en est résulté une hausse marquée et continue tant des loyers que du coût des logements et maisons alors que les salaires augmentaient peu.

En effet, on relève que les investissements dans les « infrastructures sociales » ont décru de 20 % entre 2009 et 2018. Il est estimé que le manque d’investissement s’est évalué à environ 57 milliards d’euros par an sur la période et qu’il faudrait un plan de 150 milliards d’euros sur 10 ans pour compenser ce sous investissement.

En conséquence, environ 82 millions d’européens se trouvent aujourd’hui désolvabilisés à cause d’un coût du logement devenu trop important ; cette surcharge, exprimée en pourcentage du revenu brut, montre des taux d’effort allant de 25 à 40 % alors que le taux d’effort normal en matière de logement locatif est considéré aux environs de 25 %. Ce phénomène touche aussi bien les classes moyennes que les classes populaires. Les jeunes et nouveaux arrivants dans les grandes agglomération sont tout particulièrement concernés. Un rapport de la Banque mondiale considère que la question du logement est au cœur de fractures économiques de plus en plus grandes dans l’Union Européenne et constitue une cause notable de l’érosion de sa cohésion économique sociale et territoriale.

La production de logements en France :

Nombre de logements neufs commencés, de toutes natures (source SDES Citadel)

2005 464 900

2006 493 800

2007 488 900

2008 398 400

2008 398 400

2009 345 700

2010 413 200

2011 430 200

2012 382 300

2013 357 600

2014 336 500

2015 342 900

2016 377 200

2017 428 600

2018 412 500

2019 409 400

2020 376 000 (+ -)

L’objectif de production de 500 000 logements neufs par an n’a jamais été tenu sauf peut être en 2006.

Quand à la moitié de production en logements sociaux au sens large évoquée par Marie Noelle Lienemann, elle est restée un voeux pieux alors qu’une étude de 2013 montrait que 55 % des ménages n’habitant pas en logement social étaient éligibles à un logement social de type PLUS (loyer de niveau intermédiaire du barême locatif social ; PLI PLU PLAI).

Les logements sociaux :

Depuis les années 2 000, la France a mis en service de l’ordre de 85 000 logements sociaux les bonnes années, plutôt moins de 80 000 les autres années, ce qui pourrait paraître sommes toutes honorable s’il n’y avait ce fameux « retard » de l’ordre de 850 00 logements sociaux évoqué par Michel Mouillot dés 2005 ; le tout amplifié par la crise de 2008 (cf étude européenne) ; le tout souligné également par les rapports de la Fondation Abbé Pierre dont celui sur la situation du mal logement en 2019.

« Pour 2019, le rapport fait état de 3,953 millions de mal-logés : 902.000 personnes privées de logement personnel (dont 143.000 sans domicile et 643.000 en hébergement "contraint" chez des tiers) et 2,819 millions "vivant dans des conditions de logement très difficiles" (dont 934.000 dans une situation de surpeuplement accentué).

On pourra noter également le dénombrement du nombre de demandeurs de logements sociaux pour la seule Ile de France : De l’ordre 720 000 demandeurs de logements sociaux en 2019, de l’ordre de 400 000 en 2010 (+ - 2 millions de demandeurs pour la France)).

En conclusion , une production non négligeable mais impropre à résorber un manque chronique ; une production insuffisamment orientée vers le logements abordable.

En France, en 2020, environ 2 millions de familles étaient en attente d’un logement social.

Post scriptum : que les annonces actuelles sur le Pinel ne fassent pas réver :

- le loyer d’un logement Pinel de 50 m2 en zone 1 bis est d’environ 850 euros,

- le loyer d’un logement social PLAI de 50 m2 en zone 1 bis est d’environ 350 euros,

- le loyer d’un logement social PLUS de 50 m2 en zone 1 bis est d’environ 400 euros

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