Communication et Réhabilitation (ch 2)

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Réhabilitation thermique des logements : réhabilitation en milieu occupé ? (ch 2) Quelques éléments sur les phases préalables à la réhabilitation

Il existe plusieurs types de réhabilitations en milieu occupé et suivant le type de réhabilitation les processus participatifs évoqués ci-après seront plus ou moins nécessaires. Si le maître d’ouvrage a un budget qui lui permet de traiter les façades à cause des financements sur le thermique et c’est tout, il n’est pas utile de développer des processus participatifs surdimensionnés.

Mais souvenons nous d’un paragraphe précédent : « Le locataire s’approprie de fait le logement comme un lieu de vie privée et de protection sociale. Certains ont entretenu leur logement, d’autres pas. Le temps de leur vie n’est pas le temps de l’opération. Combien de fois dans leur vie, la question du logement a-t-elle été prépondérante ? Et dans la vôtre ? Autant dire que sauf dans le cas ou le bailleur pour diverses raisons, n’a pas suffisamment ou mal entretenu son immeuble, la réhabilitation n’est pas particulièrement attendue. »

En conséquence et même si les budgets ne sont pas élevés, on peut certainement trouver un peu de moyens (si Monsieur Macron ne serre pas trop les budgets HLM), en vue de procurer aux locataires quelques interventions qui pallieront des inconvénients de vie courante qu’ils connaissent bien, car ils ont une bonne connaissance des avantages et inconvénients de leur lieu d’habitation. Quelques séances de discussions permettront de mettre ces éléments en évidence et de traiter  ce que le budget permettra : L’entrée d’immeuble en manque d’un contrôle d’accès adapté ; le parking mal éclairé ; l’espace vert à reverdir, les halls d’entrée en besoin de lifting, l’ascenseur de telle cage qui tombe en panne de manière récurrente … Ce qui permettra de mieux faire connaissance, de mieux informer et de montrer que tout ne vient pas du maître d’ouvrage.

Le maître d’ouvrage dès lors qu’il aura informé les locataires du principe de l’opération ou du fait qu’une opération est envisagée, a pris l’initiative d’une situation de communication. Le locataire sera donc en demande d’information pour être rassuré.

Mais il faudra auparavant passer par des phases d’enquêtes techniques qui devront inclure le passage dans un nombre suffisant de logements pour aboutir à un cadrage concret du possible projet de réhabilitation. Il faudra passer par une phase d’enquêtes sociales qui conduiront à une meilleure connaissance de la population concernée. Il est utile d’obtenir à la fin de cette phase une typologie sommaire de chaque famille afin que les rencontres ultérieure soient un minimum personnalisées et qu’on sorte très vite du « qui c’est celui là ».

A l’issue des enquêtes, dans la phase préparatoire au chantier, il existe toute une série de supports de communication envisageables :

- à base d’écrits (+ images) : à destination individuelle, de groupe (5-25 personnes) ou de la communauté (+ - 30 à 150 personnes ; journal d’opération, affiches),

- à base orale (+ images) : à destination individuelle (interview, entretien), groupe réunions), communauté (un élu étant le cas échéant en salle ou même l’animateur de la réunion).

En la matière, quelques obstacles à éviter et quelques préconisations :

  • Essayer de ne pas communiquer de manière égocentrée c’est-à-dire dans son propre langage technique et en développant uniquement le point de vue du maître d’ouvrage ; essayer de mettre en évidence ce qui est un apport pour le locataire,

  • Ne pas présenter en début d’études préalables des images et projets trop aboutis : ou alors, les locataires lors des groupes de présentation, qui doivent en principe être ouverts à un minimum de discussions vont inévitablement dire : « vous nous dites que l’on peut discuter mais de fait, tout est bouclé, ça n’est pas de la concertation ». L’image fixe la discussion et gène la production d’images alternatives. Pour me prémunir de ce genre de bouclage prématuré, j’obligeais souvent les architectes – conjointement avec le chargé de relations locataires - à discuter avec les locataires convoqués par cage d’escalier. Lorsqu’un avant projet trop élaboré avait subi 3 fois ou 4 fois le feu de la discussion par des groupes de 15/25 personne, l’architecte avait acquis en général une meilleure perception du programme à envisager. Ceci vaut pour la programmation, pas pour l’architecture.

  • Laisser l’architecture à l’architecte : L’architecture élaborée en commun devient commune. Il faut recourir à des architectes de qualité et demander aux locataires de faire confiance à l’architecte. La question de l’image future du bâtiment, qui réfère directement au statut social des occupants, est une question très importante.

  • Essayer de s’assurer de manière récurrente des feed back : On envoie de l’information mais parfois, le message compris est différent du message envoyé. Il existe en effet des différences entre l’émetteur et le récepteur. Personnalités, statuts, perceptions. Chacun réagit avec sa personnalité, son intelligence, son affectivité. Il n’y a jamais coïncidence entre les personnalités. D’où l’importance du contrôle de la perception (are you talkin to me ?). A l’issue des réunions importantes, il peut être nécessaire de produire des notes d’information qui resynthétisent et actualisent le programme ; afin de fixer l’objet et d’éviter (si possible) les rumeurs. On ne déclinera jamais assez le « Pourquoi réhabilite-t on ? »

Pour une meilleure communication, les choix des lieux, du temps et du contenu :

Il n’est pas indifférent de choisir l’appartement du locataire, l’appartement témoin ou/et de permanence ou encore le bureau de chantier pour se réunir et échanger sur un problème individuel ou collectif à résoudre entre le maitre d’ouvrage ou un autre intervenant opérationnel et le ou les locataires. Le choix du lieu, suivant le thème abordé est important ; il faut choisir un type de lieu pour un type de questions et autant que possible toujours le même lieu pour les mêmes questions à aborder : Le chantier désorganise la vie du locataire ; la certitude d’avoir des points de contacts précis rassure le locataire. Par exemple, le représentant du m ouvrage pour les questions de loyers et d’APL, c’est tel jour à tel endroit de telle heure à telle heure ; la permanence de l’architecte, du chargé de relation locataire, du chef de chantier, c’est tel jour à tel heure à tel endroit ; + les cas d’urgence qui concerneront d’abord le chef de chantier parce que c’est celui qui est le plus présent sur le terrain. La structure de la conduite d’opérations sur le terrain sera fonction de l’importance des travaux et de la taille d’opération.

Le temps :

- Un entretien bien conduit, individuel ou en petit groupe ne devrait pas en principe dépasser 30/40 minutes. Au-delà, les capacités d’écoute et d’échange diminuent.

- En réunion de groupe, la capacité d’écoute et d’intervention diminue au-delà d’ une heure. Pour les mêmes raisons, les exposés introductifs devraient se durer entre 5 et 20 minutes (vous pourrez constater, qu’à tous niveaux, très peu de personnes sont capables de respecter ces temps ; voir les ministres, les profs et autres … ). Si le contenu de réunion nécessite plus d’une heure (grand maxi, 2 heures), il faut trouver des temps de pause ou/et des thèmes qui font digression.

Le contenu :

Il est difficile de traiter dans une même réunion des thèmes très différents ou des sujets particuliers. Par exemple, si une réunion est centrée sur les travaux dans les appartements, peut être pourra t on aborder les questions de réfection de la chaufferie collective et des espaces verts dans une autre réunion.

Les questions abordées doivent concerner l’ensemble des personnes concernées. Les cas individuels ne doivent pas mobiliser le temps de réunion. Par contre, rendez vous doit être donné précisément (à la fin de la réunion ou alors fixation de jour, heure et lieu) afin de traiter chaque cas particulier et ne pas laisser ces demandes sans réponses.

Lorsque un ou des sujets se prêtent à une ou des décisions immédiates, celles-ci doivent être synthétisées en fin de séance et les moyens de leur mise en œuvre indiqués. Cela suppose une délégation de pouvoir suffisante au niveau terrain. Si chaque décision doit être prise à un niveau plus élevé, extérieur au lieu de discussion, alors, les discussions ont moins d’intérêt et les doutes sur la volonté réelle de faire participer sont plus grands. Mais aussi, discussion, participation ne veut pas dire portes ouvertes dans le magasin du maître d’ouvrage. Tout a une limite.

La communication orale :


Le niveau « de type individuel » : il concerne 2 ou 3 personnes ; assez typiquement, l’architecte, le chargé de relations locataires (quand il y en a un) et un locataire ; ou encore le chef de chantier et le locataire … il faudra avoir en tête, au moins au début, un plan d’entretien ; de manière à bien traiter la ou les questions centrales et si possible, limiter le champs de discussion.


Le « petit groupe » : Idéalement, il comporte entre 5 et 15 personnes. Mais parce que souvent on travaillera par cage d’escaliers, le « petit groupe » dans les opérations de réhabilitation comportera plutôt entre 10 à 25 personnes. C’est le type de groupe le plus efficace pour les préparations d’opérations. Celui qui doit permettre les échanges, de faire sortir les idées, les remarques, qui permettront après synthèse de faire que l’opération cernera bien la réalité des gens, des lieux et des travaux.

Au-delà de cette taille, et même au maxi de cette taille, les échanges deviennent plus difficiles ; des sous groupes peuvent se former ; peuvent se créer des dynamiques conflictuelles. Dans ce cas également, il faut au moins au début, un plan de séance commun à l’architecte et au chargé de relations locataires (ou chargé d’opération si c’est la même personne pour les deux rôles)


Le grand groupe : De 25 à … 150 personnes. Il s’agit là plus de réunions d’information à caractère institutionnel ( des «grand messes », parfois animées par un élu) que des réunions de travail. Plan de séance nécessaire. A ce niveau, la valeur de la communication verbale diminue ; la connaissance des individus n’est pas acquise ; le dialogue peut devenir difficile. Il peut parfois se créer des situations de type « match de boxe » c à d que deux sous groupes entrent en conflit ou se mettent en conflit avec le maître d’ouvrage ; et le reste de la salle est en mode « suivi du match ». A ce niveau, les notes d’information, les circulaires, les descriptions sur sites internet, les journaux d’opération seront souvent plus efficaces.


Dans les phases préliminaires, les groupes sont souvent en insécurité, due à la nouveauté de la situation et à la méconnaissance des autres participants à l’action.

Les comportements seront d’abord individuels : recherche de sécurité personnelle, recours au statut social, au rôle ou comportement pour lequel on est connu dans le quartier.

L’apparition de la confiance et de la sincérité dans les relations n’est que progressive et suppose qu’il y ait un peu « de grain à moudre ». Sinon, il n’est pas utile de déclencher des processus de discussion si on doit aboutir systématiquement à un « il n’y a pas de budget. »

3e trim 2020

Il faut savoir en tout état de cause qu’il n’y a pas de travail de consultation ou de travail à caractère participatif sans discussions, divergences et parfois conflits. Le tout est que des décisions soient finalement prises qui ne soient pas massivement à l’encontre des demandes ou/et réserves exprimées.


Le rôle des associations et organismes de défense des locataires.


Le mode de relation avec les associations et organismes de défense des locataires peut être très différent selon la politique du maître d’ouvrage. Donc, à considérer en fonction de chaque maître d’ouvrage .

Pour notre part, nous avons considéré que les associations et organismes étaient « des notables « c’est-à-dire qu’elles/ils avaient un poids particulier en tant qu’interlocuteurs mais quelles/’ils ne pouvaient pas constituer le « filtre unique « à travers lequel bâtir la définition de l’opération. D’autant qu’en groupes de travail, ils pouvaient parfois être mis en cause par d’autres participants ou par d’autres associations (y compris concurrentes). Nous avons pu centrer l’adaptation des programmes sur les groupes de travail, groupes auxquels les associations et organismes pouvaient participer librement. Des chartes ont parfois été bâties qui – outre les assurances apportées permettant de sécuriser les locataires - permettaient parfois d’octroyer des fonds à des associations pour qu’elles puissent prendre des conseillers ou/et dégager du temps de présence.

Le personnel opérationnel :

En phase préalable au chantier, on trouvera assez typiquement :

- Le chargé d’opération qui, si l’opération est de peu d’importance, sera aussi le chargé de relations avec les locataires,

- Le chargé de relations avec les locataires qui sera le cas échéant le réalisateur de l’enquéte sociale (sauf si celle-ci est déléguée à un organisme extérieur) ; l’avantage d’avoir un chargé de relations maison est qu’il sera plus attentif au climat et qu’il sera habilité à traiter les cas personnalisés de loyers et d’APL, ce qui est difficilement faisable par un organisme extérieur,

- L’architecte en charge des études sur le bâti et associé à l’ensemble du processus de présentation/discussion/concertation,

- Le représentant des services de gérance, plutôt fournisseur d’informations sur le bâti et les locataires (si les fichiers sont à jour) le cas échéant interlocuteur pour les questions personnalisées portant sur le loyer et l’APL.


A suivre … le chantier.

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Compte rendu sur les Assises Nationales du Logement et de la Mixité Urbaine (18/02/2021)