Communication et Réhabilitation (ch 3)

20190730_185130.jpg

Réhabilitation thermique des logements : réhabilitation en milieu occupé ?

Chapitre 3 : Le temps du chantier.

Les chantiers de réhabilitation en milieu occupé prendront différentes formes suivant la typologie et l’état des bâtiments, suivant leur statuts et la nature du propriétaire.

Si l’on a affaire à des copropriétés, lesquelles constituent une part extrèmement importante des immeubles à améliorer thermiquement, le contexte juridique et l’attitude des copropriétaires conduiront sans doute à des opérations portant essentiellement sur toiture / façades / fenêtres /chauffage collectif ; si tant est que la modénature des immeubles rende possible une intervention par l’extérieur (cf les haussmanniens ). En tout état de cause, les incitations financières, fiscales et autres devront être suffisantes pour permettre le vote de telles interventions par une majorité de copropriétaires. Il y a peu de chances que ces interventions soient regroupées en un seul chantier.

Pour ce qui est des immeubles à usage locatif et s’il y a nécessité de travaux importants à l’intérieur des logements, peut être faudra t- il avoir recours à une opération tiroir c à d que chaque locataire passera d’un logement à un autre après travaux, ce qui suppose une capacité à vider une part notable du bâtiment. Nous sommes dans ce cas proche de la typologie « résorption de l’habitat insalubre ».

Les réhabilitations avec maintien des occupants en place faisant plus particulièrement appel à un dispositif spécifique de communication concerne des immeubles et logements à la fois objet d’isolation par l’extérieur et de travaux de mise aux normes ou/et remise à neuf à l’intérieur.

Dans ce type d’opérations, il est souhaitable que le maître d’ouvrage puisse procéder préalablement à l’intervention, à quelques relogements ; ou alors qu’il accepte de laisser le ou les immeubles se vider de quelques locataires. Ce qui suppose une capacité de relogement.

Au stade chantier, qui nous occupe au titre de ce chapitre, les concertations sont terminées : L’installation du chantier constitue pour les locataires le moment ou l’opération, de théorique, devient un fait réel qui modifie et obère leur quotidien (clôtures de chantier, fléchages, apparition des personnels et engins d’entreprise …). Le projet aura fait auparavant l’objet d’une diffusion (dématérialisée ?) synthétisant l’opération. Chaque locataire aura reçu une fiche individualisée (papier ou dématérialisée) décrivant les travaux qui concerneront l’immeuble et son logement (+ plan, le cas échéant). Cette notification a un caractère juridique. Elle constitue le moyen par lequel le maitre d’ouvrage signifie au locataire les travaux qui seront effectués dans l’immeuble et dans l’appartement. C’est ce document qui servira le cas échéant aux contestations juridiques qui pourraient intervenir.

Une situation particulière concerne les locataires commerciaux et professions libérales. Ces derniers, possesseurs de baux à long terme pourront le cas échéant faire état d’une gène plus ou moins importante de leur activité, du fait des travaux. Il y aura lieu négocier avec eux la valeur de cette gène, sous forme de réduction de loyer ou autre, sauf à risquer des recours au plan juridique.

Par delà les prescriptions réglementaires qui cadrent l’espace, les territoires dévolus aux habitants et au chantier, il est nécessaire chaque fois que c’est possible, de ne travailler que dans des sous parties de l’immeuble ou du domaine concernés (traduction : éviter de mettre le b …l partout). Il y a lieu à ce moment de vérifier qu’il n’est pas créé de dysfonctionnements graves de la vie quotidienne (cf Maslow) et si c’est le cas , d’y remédier . Ceci afin de ne pas créer d’emblée un mauvais climat.

La communication en cours de chantier met en, scène le maitre d’ouvrage (chargé d’opération, chargé de relations locataires, parfois le gardien d’immeuble), l’architecte, l’entreprise (chef de chantier et souvent son adjoint spécialisé dénommé « référent locataires »).

Cela fait beaucoup de monde que le locataire confond aisément. L’identification des rôles de chacun doit être précise, sans flou et faire l’objet d’une communication préalable ensuite régulièrement répétée. Il faut que soit très clairement établi le « qui est responsable de quoi » quel interlocuteur ; quel lieu ; quels horaires.

Un mode possible d’organisation de ces chantiers prévoit un rôle étendu dévolu au chef de chantier ou alors l’adjonction au chef de chantier d’une fonction nouvelle, à part entière, le poste de référent locataire. Ce rôle doit être inscrit au cahier des charges de l’entreprise comme part intégrante de son marché (idem pour cahier des charges de l’architecte).

Le chef de chantier ou/et le référent locataire, – doté des moyens de communication informatiques adéquats – gère le quotidien de la relation locataire de chantier. Il avertit les locataires du début effectif et de la durée des travaux dans les cage d’escalier, dans leur logements ; il fait préparer les parties de logement concernées par les travaux (rangement, protection des mobiliers, éventuellement , photos d’état des lieux.) Dans le cas ou le locataire est sur place pendant les travaux, il s’assure de la continuité des prestations (eau, électricité …), vérifie le nettoyage en cours et en fin de travaux. Lorsque l’état du logement ou l’âge ou la maladie du locataire ou … le nécessite il met à la disposition du locataire un logement relais et fait transporter les objets que le locataire emporte pendant son passage en relais. Le logement relais ou logement de courtoisie est un logement à l’état neuf, meublé (y compris frigo, cuisinière), abonné, apte à recevoir une famille pendant les travaux. Il peut aussi parfois accueillir des services collectifs à l’usage des locataires. Lors des importantes opérations PALULOS menées dans le quartier Nationale (75013 Paris), il a pu y avoir jusqu’à une soixantaine de logements relais en fonctionnement.

Pourquoi un tel rôle dévolu à l’entreprise ? Parceque c’est elle qui est le plus massivement et quotidiennement présente sur le chantier.


Le chargé de relations locataires du maître d’ouvrage : Sa fonction est plus ou moins importante, suivant l’importance du travail confié au référent locataires de l’entreprise. Représentant du maître d’ouvrage (parfois, le chargé d’opérations tient aussi ce rôle) il doit être en mesure de prendre de nombreuses décisions liées à l ’avancement courant du chantier. Si ça n’est pas le cas et que les décisions doivent remonter à un stade supérieur et engendrer un temps long de réponse, alors son rôle est de peu d’utilité.

La disponibilité du chargé de relation n’a pas à être permanente. Mais des aménagement s doivent être trouvés (mails …) pour que toute question qui le nécessite puisse être abordée et traitée rapidement.


La communication en cours de chantier peut se structurer utilement autour de la réunion de chantier ; non pas pendant cette réunion mais immédiatement après, en une réunion traitant spécifiquement de la relation chantier / locataires. Sont présents le chargé d’opération ou/et le chargé de relations locataires, le chef de chantier ou/et son « référent locataires », l’architecte, le ou les locataires ayant des problèmes spécifiques et le cas échéant un ou des représentant d’associations de locataires. Ce point de contact pouvant si besoin servir en vue de la fixation de réunions plus spécifiques avec la ou les associations. Cette réunion est centrée sur les problèmes concrets, terre à terre, du chantier. Il est souhaitable que les décisions qui s’y trouvent prises soient annexées au compte rendu de chantier - en une partie annexe - en vue de contrôler facilement leur réalisation. Par ailleurs, il est souhaitable qu’un point soit fait par diffusion dématérialisée a chaque stade clé de l’avancement du chantier. En effet, le temps des locataires n’est pas le temps du maître d’ouvrage ? Deux ans, c’est court ou très long suivant que l’on est locataire ou maître d’ouvrage.

La qualité de la relation entre « l’équipe « maitre d’ouvrage-entreprise-architecte » et les locataires est un élément essentiel pour un bon déroulement d’opération. La communication, en théorie, se devrait d’abord d’ être institutionnelle et non pas interpersonnelle. L’objectif est la réalisation de l’opération. A priori, pas d’entrer dans des relations de séduction, de psychothérapie, d’assistance sociale, d’aide au juridique… Mais la réalité issue des contacts entre les très nombreuses personnalités en présence rend ces contingentements très théoriques.

La limite à l’ouverture à autrui et aux relations informelles peut se formuler à travers l’exemple suivant : Le chargé de relations locataires doit être disponible aux locataires, être dans une attitude de compréhension, d’accueil de l’autre supposé être de bonne foi. Mais il ne sera ressenti comme tel que s’il maitrise à minima l’organisation de sa communication : sujet, but, points clé, contexte, gestion du temps, renvoi documenté à d’autres cadres de discussion (services sociaux …). Il ne sera ressenti comme tel que s’il est disponible à un moment précis et pour une action précise entrant dans le champ de sa fonction. Il ne doit en aucun cas apparaître comme étant « taillable et corvéable à merci », sinon, il sera vite débordé.

De manière plus générale, le résultat d’une communication efficace ne consistera pas non plus à faire admettre à autrui des idées qu’il ne partage pas mais à trouver un mode de relation satisfaisant pour les deux parties. Souvent, un conflit apparaît parce qu’on n’a pas pris le soin de vérifier la bonne compréhension réciproque et de bien cerner les deux points de vue sur lesquels négocier.

On peut parfois se trouver en menace de conflit alors que celui-ci est inutile et que quelques réflexes auraient permis de l’éviter :

  • Cadrer la communication,

  • S’entendre sur les rôles réciproques,

  • Limiter l’action dans le temps,

  • Ecouter avant de parler,

  • Prouver que l’on a entendu ce que l’interlocuteur exprime, réfléchir avec lui au moyen de concilier les points de vue,

  • Etre concret sur les solutions,

  • Suivre l’application des solutions, ne pas différer leur application,

  • Renvoyer, si échec de la négociation, à un cadre de discussion plus général.

Et en tout état de cause, disons nous bien que le conflit, s’il advient, n’est pas un élément anormal du fonctionnement d’un groupe. C’est souvent une manière forte d’exprimer quelques chose d’important ; certes, en négligeant les formes. Il ne faut pas tenter de l’occulter mais discuter, négocier et réguler.

Voilà, quelques éléments issus de notre expérience et de la collaboration menée il y a longtemps avec Dominique Weiss.

Rassurez-vous, ces quelques indications ne vous priveront pas de toute la diversité des richesses et surprises qui sont propres à ce type de réhabilitations.

Michel Berthet

3e trim 2020

Précédent
Précédent

Communication et Réhabilitation (ch 2)

Suivant
Suivant

Communication et Réhabilitation (c h 1)