Logement social : Financer le foncier
Le système actuel de financement du logement social est à bout de souffle. Il y a quelques années déjà, la Ville de Paris consacrait autant de subventions et aides diverses au logement social parisien que l’État pour le reste de la France.
Dans l’incapacité de servir la demande de logements locatifs a bon marché, car la production n’atteint pas les 100 000 logements par an, le système actuel de financement a été fléché vers des catégories de plus en plus restreintes de la population, ce qui nuit à la mixité sociale, crée des risques de ghettos et en fait plus un système de financement de l’urgence sociale qu’un système de création de logements à bon marché, dont la clientèle est beaucoup plus vaste.
Il est donc certain qu’une politique visant à créer une quantité augmentée de logements locatifs à bon marché dans les zones tendues (100 000, 120 000 150 000 par an ? ), de manière à se rapprocher de la demande (on estime qu’il y a un retard de stock de 600 / 800 000 logements), devrait se faire sur des bases totalement renouvelées.
Il s’agirait bien sur d’une politique à long terme (sans doute au moins 10/12 ans d’un effort continu qui incidemment produirait une masse importante d’emplois et un effet d’entrainement) et on ne voit pas l’Etat être en capacité de financer ces productions sur la base du système de financement actuel qui de toutes façons vise une clientèle trop restreinte.
Pour être autre chose qu’un jeu d’annonces, une telle politique nécessite le retour d’outils de programmation puissants s’inscrivant dans des réglementations d’urbanisme et dépassant les simples logiques communales.
Une telle politique nécessite également des outils puissants visant à la production d’un foncier utilisable pour la construction.
Il se trouve que le gouvernement Hollande avait mis sur pieds un organisme dénommé « La Foncière Solidaire » société anonyme mandatée par l’État pour réaliser un Service Économique Général c’est-à-dire mobiliser partout ou cela s’avérerait nécessaire du foncier public et privé pour faciliter et accélérer l’émergence de programmes de logements répondant au besoin des citoyens, essentiellement des logements à bon marché.
Doté d’un capital initial de 750 millions d’euros, cet organisme qui aurait du voir sa puissance doublée par l’apport en nature de biens de l’État ou de collectivités a vu dès avant sa création cette deuxième partie de son capital empêchée … par Bercy.
Depuis le changement de gouvernement, la vocation même de cet organisme a été modifiée puisqu’elle ne devrait principalement s’occuper que … de la vente d’une partie du parc HLM.
Or c’est principalement sur la production d’un foncier à cout réduit que pourrait se mener à grande échelle une politique du logement à bon marché.
C’est à dire que des « Foncières Solidaires », il devrait sans doute y en avoir une par Région ( le bon échelon ?), puissamment étayées, sans doute par la CDC ( ?).
En outre, elles devraient avoir la puissance financière nécessaire pour pouvoir acquérir et procéder à la mise à disposition des terrains à construire, essentiellement sous la forme de baux emphytéotiques (50 ans ? 60 ans ?) et non pas fonctionner comme beaucoup de foncières actuelles qui doivent assurer leur équilibre financier sur une opération ou sur un panier d’opérations.
Elles devraient pouvoir se constituer au fil du temps un stock de nues propriétés ( c à d la propriété dont elles continuent à être propriétaires sur la partie non baillée, par exemple de 51 ans à 99 ans) ; nues propriétés qu’elles devraient être en mesure de se faire refinancer.
Cela permettrait lorsque cela s’avère nécessaire de proposer aux maitres d’ouvrage sociaux des baux à loyer annuels (ou partiellement annuels) et non des baux à loyers capitalisés ce qui réduirait la part du foncier dans les bilans de construction.
La Ville de Paris pour laquelle votre serviteur a longtemps œuvré s’est constituée depuis au moins 50 années un tel stock de nues propriétés. Elle est suffisamment riche pour ne pas avoir besoins de le refinancer.
Mais un stock de fonciers à terme a forcément une valeur et devrait pouvoir être refinancé par des organismes tels que la CDC ou même en faisant appel à quelques banquiers imaginatifs (il y a beaucoup de banquiers imaginatifs ; cf les subprimes), en faire des produits d’épargne ou /et d’investissement).
Et même… Utopie ! : Un Conservatoire Européen du Logement Abordable ?
La crise du COVID a amené l’Europe libérale a mettre au point un plan de soutien et de relance de l’économie.
On pourrait également suggérer que l’Europe se préoccupe de la conservation et du développement à long terme du patrimoine du logement abordable, en créant une foncière au niveau européen.
C’est-à-dire qu’un organisme européen pourrait faire l’acquisition des nues propriétés des fonciers baillés aux opérateurs du logement social et les conserverait à très long terme, sauf transactions particulières encadrées.
Cela aiderait grandement à effacer les surpoids de charges foncières en vue de la construction sociale, donnerait à l’Europe un outils puissant d’intervention contra-cyclique et cela créerait petit à petit un patrimoine européen du logement à bon marché. Une sorte de garantie de maintien à long terme de cette vocation et un signe concret et puissant des préoccupations en la matière.
Cela ferait hurler tous les nationalistes : Pensez vous ! Des morceaux de patrimoine français qui passent dans des mains (presque) étrangères ! Mais après tout, les multinationales nous piquent nos entreprises (quand elles ne les tuent pas), les chinois nous piquent nos vignobles et nos aéroports alors … un peu plus, un peu moins ; au moins, ça servirait à loger les gens.