Pour le secteur HLM
L’idée émise récemment de baisser sans compensation les loyers des hlm pour atténuer les effets de la baisse de l’APL (Aide Personnalisée au Logement) renforce notre impression que nous assistons malheureusement à une phase accélérée de « gogolisation » de la politique du logement.
Ou, autrement dit, l’intelligence artificielle est-elle déjà là… et So… artificielle ?
Toute personne normalement constituée ayant un peu trainé ses guêtres dans le monde HLM sait que parmi les organismes HLM, il y a ceux qui ont des parcs pas trop dégradés, qui parviennent à maintenir des groupes immobiliers socialement difficiles, qui sont gérés honorablement et donc, en particulier avec la baisse des taux, se maintiennent à flot. Et puis il y a les organismes, les plus nombreux, qui ont juste « la tête hors de l’eau » et qui ne se maintiennent que par des efforts continus … ou qui s’écroulent et sont repris par des confrères, ce qui arrive régulièrement.
Vouloir uniformément baisser les loyers des organismes sociaux revient à traiter indistinctement ces deux catégories d’organismes et donc à enfoncer d’avantage les plus faibles ; et en prime, obliger tous les organismes à raboter… le cas échéant sur les coûts d’entretien des immeubles, ce qui est certainement la dernière des choses à faire.
Voilà donc une mesure qui n’a pas grand-chose à voir avec le bon sens.
Mais l’on sent qu’il y a là une arrière-pensée qui nous susurre (à tort ou à raison ?) Que certains organismes sociaux seraient « riches » et qu’il n’y aurait pas de scrupules à les taxer au portefeuille.
Oui, mais comme « en même temps », il est nécessaire de produire encore et encore des logements à bon marché (cf. les secteurs tendus), il vaudrait bien mieux, au lieu de taxer les organismes et se mettre tout un milieu à dos, se servir de ces outils qui n’ont pas démérité et inciter, y compris ardemment, ceux qui ont une forte assise financière à investir dans la construction de nouveaux logement sociaux.
Il se peut aussi que certains doivent se structurer. Quand on construit une fois l’an, ou tous les deux ans, on n’a peut-être pas en interne les qualifications suffisantes pour faire construire. Mais par ailleurs, un constructeur social ne fera pas construire comme un promoteur privé ; parce qu’il assure ensuite la gestion immobilière et qu’il pense donc nécessairement à la durée.
Plus globalement, il ne faut pas oublier non plus que la construction sociale est un outil puissant d’action économique, en cas de nécessité de politiques contracycliques.
Mais pour en venir à l’APL et aux loyers, disons-le franchement, le problème numéro 1, c’est le foncier ; et les zones tendues ne sont bien souvent tendues que parce que les collectivités locales organisent depuis des années la raréfaction foncière…
Quand on entend dire que l’aide au logement contribue à la hausse des loyers, on reste pétrifié par ce qui montre, outre un certain cynisme, une méconnaissance de la formation des prix de la construction.
Car ce qui contribue à la hausse des coûts et donc des loyers, c’est avant tout, premièrement, fondamentalement, le cadrage/blocage du foncier que les collectivités locales organisent depuis des décennies sur les territoires qu’elles administrent ainsi que les services d’État qui n’ont pas su ou pas voulu faire passer les obligations adéquates permettant une disponibilité foncière, dans les POS puis les PLU.
Ceci est particulièrement vrai dans les zones tendues.
Ne serait-ce qu’en région parisienne, tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a insuffisance de logements locatifs à bon marché mais quand il s’agit d’en construire, c’est « chez les autres et pas chez soi ».
Ce qui montre en passant que les libéraux – mais pas que - ne sont libéraux que lorsque ça les arrange. Sinon, on bloque le marché et donc on crée la pénurie, la hausse des coûts, l’éloignement des constructions sociales, l’augmentation des distances habitat / travail. Et ceci… sur 30ans… ça fait mal !
Nous ne sommes pas sous un régime de marché libre mais sous un régime « d’octroi » ; octroi de permissions de construire au cas par cas, ce qui constitue en passant une limitation drastique du droit de propriété. Ceci rappelle plus les anciennes oligarchies de Toscane que n’importe quel libéralisme contemporain.Trouverons-nous un moyen de changer cette situation ou, comme disait « le Grand », continuera-t-on les petites popotes sur les p’tits feux ?
Il est vrai que si le logement social n’était pas devenu une espèce de seringue à mono clientèle très sociale, il ne conduirait pas à ces blocages. Il faudrait que le logement à bon marché devienne un logement beaucoup plus ouvert socialement. L’hyper spécialisation ne le sert pas.
Il y avait dans le passé, mais ceci n’est qu’un exemple, le système du 1% employeurs qui permettait de réserver dans les constructions sociales, des contingents de logements notables (parfois 25%) destinés à des salariés d’entreprises situées dans un secteur proche. Mais l’État, toujours en recherche d’argent a quasiment réduit le système à peau de chagrin. Le 1% avait un défaut, les personnes logées à ce titre du 1 % étaient pratiquement logées à vie, ce qui nuisait à son efficacité, mais une modification de la loi facilitant (avec des délais) la récupération du logement par l’employeur, après le départ d’un salarié, ne serait pas d’une grande difficulté.
Il y a certainement d’autres pistes qui permettraient d’assurer une certaine diversité à ce que je préfèrerais appeler le secteur du logement à bon marché plutôt que le logement social.
Tout ceci pour dire au final que lorsque l’on veut faire d’un territoire un ensemble efficace en termes d’habitat/emploi, et donc au global plus facile à vivre et plus compétitif (cf. les heures perdues dans les transports), il faut que l’Etat ou/et les collectivités situées au niveau adéquat, avec les compétences requises, et ayant été clairement habilités à mettre en œuvre une telle politique, aient les moyens opérationnels de cette mise en œuvre : ce qui signifie Pouvoir (Pouvoir discuté, négocié mais Pouvoir quand même), sur la réglementation des sols, sur la préemption des terrains et sur l’attribution des permis de construire… qui ne seraient donc plus l’apanage exclusif des collectivités locales.
Et il faudrait aussi parler de la qualité de l’urbanisme …
Mais là, je sens que je pousse le bouchon un peu loin, il faut que j’arrête. Bonne journée !
Michel BERTHET
Ancien Directeur Général Adjoint de la RIVP.